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LES MENSONGES DE NOËL

Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 3938

de l’hebdomadaire NOUS DEUX (20 décembre 2022)

Virginie retint un sourire de satisfaction en voyant que Mme Bazaines s’apprêtait à entrer dans son magasin d’antiquités.

Mme Bazaines était la veuve d’un riche notaire, qui avait collectionné toute sa vie les livres anciens. Or, elle ne connaissait pas la valeur de ces ouvrages dont certains dataient du Moyen-Age, et comme elle multipliait les dépenses depuis la mort de son mari, elle venait fréquemment apporter à Virginie, qui était une antiquaire réputée, un carton de livres dont certains étaient rarissimes et très recherchés, mais qu’elle empilait n’importe comment et dont elle ne négociait même pas le prix.

-Bonjour, chère amie, s’écria l’antiquaire.

-Bonjour, répondit plus doucement Mme Bazaines. Je suis embarrassée de devoir revenir vous voir, mais vous me connaissez…! J’ai besoin d’argent, même si je regrette de me défaire de ces souvenirs de mon mari…

-Voyons, l’encouragea Virginie, vous avez bien raison, puisque ces livres ne vous intéressent pas ! Ils connaîtront grâce à vous une nouvelle vie dès que je leur aurai trouvé un acquéreur.

Virginie examina d’un air faussement indifférent le lot d’incunables moyenâgeux, de manuscrits originaux et d’autographes prestigieux, puis en proposa un prix.

-Je vous remercie, soupira Mme Bazaines, soulagée.

En reposant l’un des livres parmi les autres, Virginie l’entrouvrit involontairement et en fit tomber une photo.

Elle la ramassa et la tendit à Mme Bazaines mais celle-ci la regarda à peine avant de la refuser :

-Oh non ! Je ne veux même plus la voir ! Déchirez-la !

Virginie y jeta un coup d’œil, qui lui suffit pour apprécier celui qui avait posé. Un homme d’une quarantaine d’années, blond aux yeux bleus, avec un sourire jovial qui ne pouvait qu’attirer la sympathie.

Elle dut s’attarder un instant de trop sur la photo, car Mme Bazaines jugea nécessaire d’expliquer :

-Oui, il était très séduisant. Mais on ne pouvait pas se fier à lui. Cet homme-là a fait souffrir toutes celles qui l’ont connu. Croyez-moi, vous devriez déchirer cette photo !

-Ce serait dommage, protesta Virginie. Vous reconnaissez vous-même que cet homme est très beau. J’ai quelques clients collectionneurs qui seront prêts à m’acheter cette photo assez cher. Et si vous en avez d’autres…

-Non, répondit très vite Mme Bazaines. A l’époque où je le fréquentais, je le photographiais sans cesse. Je l’aimais tellement. Mais aujourd’hui, il ne me rappelle que de mauvais souvenirs.

Pourtant, après un instant d’hésitation, elle demanda :

-Si toutefois je retrouvais une ou deux photos de lui, combien me les rachèteriez-vous ?

Et le prix qu’en offrit Virginie dut lui paraître inespéré, car quelques heures plus tard, elle revenait à la boutique céder trois autres photos du même séducteur. On le voyait à cheval sur un magnifique alezan, torse nu au bord d’une piscine et enfin en costume sombre et chemise blanche, une flûte de champagne à la main dans une soirée mondaine.

Sans même que Virginie ne pose de questions, Mme Bazaines ajouta :

-Cet homme-là était prêt à tout pour de l’argent ! Songez qu’il m’a même fait du chantage ! Oui, il m’a menacée de révéler notre liaison à mon mari, à l’époque…

Virginie lui donna l’argent promis, et s’empara des photos.

Elle ne connaissait évidemment pas l’homme qui avait posé, mais elle avait tout de suite entrevu le parti qu’elle allait pouvoir tirer de son sourire charmeur…

Il lui suffirait de montrer ces photos à sa famille, en racontant qu'il s'agissait de son futur compagnon, pour que sa soeur et ses cousines cessent de la regarder d'un air apitoyé ou méprisant, sous prétexte qu'elle était toujours célibataire.

A 36 ans, Virginie avait réussi sa carrière professionnelle, puisque sa boutique d'antiquités était fréquentée par tous les notables de la ville et même de la région. On se repassait son adresse en vantant son talent pour dénicher des objets de décoration aussi élégants que rares.

En revanche, sa vie privée n’avait été qu’une succession d’échecs. Les hommes ne s'adressaient à elle que pour solliciter un conseil sur les cadeaux à faire à leurs épouses. Ou bien, pire encore, ils lui demandaient des informations sur une de ses clientes, qu'ils espéraient séduire.

Bien sûr, elle souffrait de cette situation. Mais surtout, elle se sentait humiliée, face à sa soeur et à ses cousines.

Sa soeur, Charlotte, avait épousé un joueur de poker qui se vantait de gagner des fortunes dans les clubs de jeux, sans efforts et en toute légalité.

Sa cousine Tamara vivait depuis une dizaine d'années avec un homme d'affaires aussi prétentieux que riche.

Enfin, sa cousine Hélène, qui avait exactement son âge, était mariée avec un architecte internationalement reconnu, qui concevait des ensembles immobiliers futuristes à travers l’Europe mais qui, pour se loger avec sa famille, avait racheté le château de Saint-Epvre.

C’était dans ce prestigieux château que toute la famille se retrouvait deux fois par an, au 14 juillet et à Noël.

Et là-bas, Virginie se sentait toujours en infériorité face à sa sœur et ses cousines du fait qu’elle était seule. Même sa mère le lui faisait aigrement remarquer après chaque réunion familiale :

-Tes deux cousines sont mariées ! Et bien mariées ! Alors que ta sœur a épousé un joueur et toi, tu n’as personne ! Si tu savais combien j’ai honte de vous deux !

Mais justement, cette année, Virginie montrerait ces photos rachetées à Mme Bazaines, en présentant l’inconnu comme l’homme de sa vie. Pour justifier son absence à ses côtés, elle prétendrait qu’il était encore marié avec une femme violente et cupide et qu’il ne pouvait pas venir au château de la cousine Hélène tant que son divorce ne serait pas prononcé.

-Il s’appellerait Julien, décida-t-elle. Et il serait responsable de la sécurité informatique dans une grande entreprise.

Avec un peu d’astuce, elle pourrait faire durer ce mensonge durant au moins un an, peut-être plus. Ensuite, elle prétendrait que Julien avait finalement renoncé à divorcer, mais du moins penserait-on dans sa famille qu’elle avait vécu une véritable histoire d’amour.

Et c’est ce qu’elle fit. Le 14 juillet, elle annonça avec un léger sourire faussement intimidé qu’elle allait bientôt se marier. Toute la famille la pressa aussitôt de questions, de sorte qu’après s’être fait un peu prier, elle consentit à montrer l’une des photos du bel inconnu.

Même sa mère ne trouva rien à reprocher à ce séducteur.

-Pourquoi ne l’as-tu pas amené avec toi, demanda la cousine Tamara.

Comme prévu, Virginie raconta qu’il se débattait dans un divorce difficile :

-Si sa femme savait qu’il a une liaison, elle s’acharnerait encore plus contre lui et exigerait une pension alimentaire colossale. Parce qu’il a une très bonne situation.

-Efforce-toi de le garder, gémit sa mère. Pour une fois que tu as un amoureux, et qu’il est convenable.

Virginie jubilait intérieurement. Plus personne ne la regardait avec commisération, au contraire, elle suscitait même un véritable intérêt.

D’ailleurs, en fin d’après-midi, elle entendit sa cousine Tamara murmurer à Hélène :

-A mon avis, ce type profite d’elle tant que son divorce n’est pas prononcé. Mais ensuite, il la quittera.

-A moins qu’il n’ait décidé de divorcer justement pour elle, soupira Hélène.

Ce qui prouvait que toutes, elles croyaient à son mensonge.

Le soir, sa sœur et ses cousines insistèrent pour qu’au prochain Noël, elle vienne accompagnée de « Julien » :

-Même s’il ne reste qu’une heure, on a hâte de faire sa connaissance, répétaient-elles.

Virginie promit de faire son possible pour le convaincre de venir :

-De toute façon, vous finirez par le voir. Au plus tard le jour de notre mariage…

Elle monta dans sa voiture en dissimulant un sourire. Pour la première fois, elle ne s’était pas sentie méprisée par sa famille.

Par la suite, Tamara et Hélène lui téléphonèrent au moins une fois par mois pour savoir si son idylle avec Julien progressait. Virginie leur répondait avec un enthousiasme parfaitement simulé, elle prétendait même espérer que Julien vienne participer à la prochaine réunion familiale.

Et puis, bien sûr, un mois avant Noël, elle raconta que l’épouse de Julien avait fait appel du jugement de divorce, ce qui allait rallonger la procédure d’un an ou deux.

-Je ne pourrai donc pas vous le présenter cette année. Mais je le regrette encore plus que vous ! J’ai tellement hâte de vivre avec lui !

Pour rendre ses mensonges plus crédibles, elle s’acheta un superbe manteau de haute couture, qui était censé être le cadeau de Julien et qui suscita l’admiration de toute sa famille.

-En plus, il est généreux, admit la cousine Hélène. Profites-en, cela ne dure jamais !

Sa sœur lui proposa de l’accompagner chercher la bûche traditionnelle à la crème de marrons. Elle désirait être seule avec Virginie parce qu’elle s’inquiétait pour elle, elle craignait que Julien ne lui mente et ne veuille pas vraiment quitter sa femme, mais Virginie la rassura en prétendant l’avoir accompagné chez son avocat, et l’avoir entendu proposer de négocier pour que le divorce soit prononcé au plus vite.

Mais dès qu’elles revinrent au château, Hélène leur annonça :

-Quel dommage ! A peine étiez-vous parties que Julien a téléphoné. Il a dit qu’il s’arrangerait pour passer dans l’après-midi.

Un instant, Virginie crut qu’elle plaisantait. Mais comme Hélène insistait, et qu’elle n’avait d’ailleurs jamais eu d’humour, elle se dit que sa cousine avait mal compris.

-Es-tu sûre que c’était Julien ? Mon compagnon ? Il m’aurait plutôt appelée sur mon portable.

-Non, répéta Hélène. Il m’a dit que tu ne lui avais pas donné l’adresse du château. Et il a ajouté que sa femme était partie chez sa mère, et qu’il pouvait donc venir passer l’après-midi avec nous. Il semblait très désireux de rencontrer ta famille.

Un peu perfidement, elle ajouta :

-Mais peut-être est-il surtout curieux de vérifier si j’habite vraiment un château, et si tu ne t’es pas vantée en parlant de moi.

Stupéfaite, Virginie ne put que balbutier.

-Oh non…

Sa sœur vint à son secours :

-En tous cas, je suis contente qu’il profite du premier moment de libre pour venir te rejoindre ici. Cela prouve qu’il tient à toi.

-Bien sûr, bredouilla Virginie, incapable de comprendre ce qui se passait.

L’explication la plus logique était qu’un dénommé Julien avait téléphoné pour connaître l’adresse du château, et que sa cousine en avait déduit qu’il s’agissait de son compagnon. Mais bizarrement, ce Julien semblait avoir parlé d’elle…

A moins qu’Hélène n’ait deviné que Julien n’existait pas, et qu’elle n’ait inventé ce coup de téléphone pour obliger Virginie à avouer qu’elle avait menti ?

Au cours du déjeuner, elle participa à peine à la conversation, tant elle était perturbée par ce mystère. Ses cousines s’en aperçurent et se moquèrent d’elle en l’accusant de ne penser déjà plus qu’à Julien, ce qui lui permit de s’en tirer en faisant semblant d’admettre qu’en effet, elle était très amoureuse de lui.

A cet instant, le repas fut interrompu par la cloche accrochée à l’entrée du château.

-Julien est en avance, rit la cousine Tamara.

Mais ce n’était qu’un fleuriste. Qui apportait à Hélène une somptueuse gerbe de roses jaunes, …de la part de Julien !

Lorsque toute la famille eut fini d’admirer ces fleurs, Hélène déclara qu’en tous cas, Julien se comportait avec beaucoup d’élégance.

-Ma chérie, je craignais que tu ne trouves jamais de mari, mais tu as bien fait d’attendre aussi longtemps. Car de nos jours, les hommes qui déploient autant de courtoisie envers les femmes sont rares.

Virginie ne releva même pas la perfidie de ces propos, tant elle était mal à l’aise. Elle relisait la carte agrafée sur le papier d’emballage du bouquet, signée « Julien, le fiancé de Virginie » sans comprendre ce que cette plaisanterie signifiait, puisqu’elle était bien la seule à savoir que Julien n’existait pas.

-Moi aussi, j’ai hâte de faire sa connaissance, avoua Charlotte, sa sœur. Tu aurais d’ailleurs pu me le présenter sans attendre Noël.

-Ce n’était pas facile, bredouilla Virginie. Avec son travail, et son divorce.

-N’empêche qu’il accepte de venir jusqu’ici rien que pour te retrouver un après-midi, fit remarquer la cousine Tamara.

Hélène intervint avec son apparente bienveillance :

-C’est sans doute parce que Virginie lui a expliqué qu’elle serait entourée de nous toutes. Même si sa femme le fait suivre, il pourra toujours expliquer qu’il n’était pas seul avec une maîtresse mais invité dans une réunion de famille.

Virginie sentait qu’elle aurait dû prendre la parole, expliquer l’attitude de Julien, mais elle se sentait l’esprit trop vide pour s’exprimer.

-Est-ce que sa femme travaille, interrogea sa sœur.

-Oui, bien sûr, dut répondre Virginie. Elle est… Elle est commerçante ! En fait, elle vend du prêt-à-porter.

Et où habitent-ils ? Est-ce pour toi qu’il a décidé de divorcer ? Ont-ils des enfants ? Comment l’as-tu connu ?

Criblée par sa sœur et ses cousines de questions qu’elle n’avait pas prévues, Virginie ne savait plus comment y répondre et craignait de se contredire.

Elle crut trouver un répit quand son téléphone portable se mit à sonner.

-C’est sûrement Julien, déclara la cousine Tamara. Il est sur le point d’arriver, mais il ne trouve pas le château. C’est normal, la route est si mal indiquée.

Virginie décrocha… Et manqua s’évanouir en entendant une voix de femme inconnue l’insulter :

-C’est vous la putain de mon mari ? J’ai trouvé votre numéro de téléphone dans son agenda ! Et il a bien été obligé de m’avouer votre liaison ! Mais je préfère vous prévenir qu’il ne vous rejoindra pas chez votre cousine ! Ni aujourd’hui ni jamais ! Sa place est auprès de moi et de nos enfants, et il l’a compris !

-Mais …qui êtes-vous, bégaya Virginie, en craignant déjà d’avoir deviné la réponse.

-Vous ne vous en doutez pas, trépigna la furie à l’autre bout du téléphone. Je suis la femme de Julien ! Inutile de l’attendre, il ne viendra pas ! Et je veillerai à ce que vous ne le revoyiez jamais ! Croyez-moi, je suis prête à tout !

Avant que Virginie n’ait trouvé une autre question à lui poser, elle avait déjà raccroché.

Hébétée, l’antiquaire restait silencieuse sous le regard interrogatif de sa sœur et ses cousines, qui devinaient que le coup de téléphone était grave.

-Julien ne vient plus, pressentit Tamara.

-Oui, acquiesça Virginie. Sa femme a découvert qu’il allait me rejoindre et elle lui a fait une scène.

-Si elle est tellement jalouse, le divorce risque d’être plus long que prévu, prévint sa sœur.

-Peut-être, admit Virginie distraitement.

Maintenant, elle avait la sensation de devenir folle et doutait même de ses propres souvenirs, puisque l’homme qu’elle avait inventé envoyait des roses à sa cousine, et était marié à une femme qui l’insultait…

La situation s’avérait aussi absurde qu’angoissante ! Et ce n’était pas fini. Moins d’une heure plus tard, tandis que Virginie aidait Hélène à préparer le repas de Noël, un nouvel appel téléphonique vint la perturber :

-Allo, Virginie ? Je suis Fred, un copain de Julien. Il ne pourra pas venir vous retrouver comme c’était prévu, parce que sa femme le surveille toujours, mais il m’a chargé de passer vous voir. J’ai un cadeau à vous remettre de sa part. Et surtout, des explications.

-Euh… Merci, parvint à répondre Virginie. Mais là je suis chez ma cousine.

-Je sais, l’interrompit Fred. Au château de Saint-Epvre. Julien m’avait prévenu. Indiquez-moi seulement quand je peux passer vous voir, sans vous déranger… Pas au château mais dans les environs.

-Eh bien…

Virginie ne savait que proposer à cet inconnu qui lui téléphonait de la part d’un homme virtuel ! Elle n’osait pas lui poser des questions devant sa sœur et ses cousines, mais décida de le rencontrer pour en savoir plus sur le prétendu Julien.

-Retrouvons-nous à 18 heures, vers le port. Sur le Quai des Pêcheurs Oubliés. Cela vous convient-il ?

-Bien sûr. J’y serai.

Quand elle lui demanda un signe de reconnaissance, il rajouta au mystère en lui répondant :

-Je porterai un tee shirt blanc et un blazer bleu marine. Mais vous, je vous reconnaîtrai immédiatement, puisque Julien m’a souvent montré des photos de vous. Il est très amoureux, n’en doutez pas !

-Veux-tu qu’on t’accompagne, proposa la cousine Hélène sur un ton qui se voulait bienveillant.

-Non, protesta Charlotte. Il vaut mieux qu’elle soit seule pour entendre ce qu’il aura à lui dire.

Et Virginie fut reconnaissante à sa sœur de sa compréhension. Un instant, elle fut tentée de s’isoler avec elle pour lui révéler qu’elle avait inventé le personnage de Julien, mais elle y renonça en craignant que Charlotte ne colporte son secret, ce qui la ridiculiserait définitivement.

En fin d’après-midi, elle se rendit donc seule sur le port et, avant même d’arriver au Quai des Pêcheurs Oubliés, elle fut rejointe par Fred. Un gaillard jovial, qui s’écria en se rapprochant :

-Vous êtes exactement telle que Julien vous avait décrite ! J’espère que nous deviendrons amis !

-Bien sûr, acquiesça Virginie du bout des lèvres. Mais j’aimerais que vous me parliez de Julien. Où est-il ?

Fred soupira :

-Oh, c’est compliqué. Julien n’a pas osé tout vous raconter sur sa vie. Il faut le comprendre, il vous aime et avait peur de vous perdre. Mais si vous acceptez de marcher avec moi vers les falaises, je vous dévoilerai ce qu’il n’a pas réussi à vous dire lui-même.

Virginie était trop intriguée pour ne pas le suivre. Tout en accompagnant Fred, elle tenta une autre question :

-Vous a-t-il dit comment on avait fait connaissance ?

-Evidemment, sourit Fred. Il me raconte toujours tout… Venez par là, vous allez tout comprendre…

Mais, à l’instant où Virginie se penchait du haut des falaises, il la poussa brutalement.

Elle faillit basculer vers la mer et ne survécut qu’en se raccrochant instinctivement à lui. Mais il était vigoureux et la poussait vers le vide…

Elle hurla… ! Jusqu’à ce qu’elle reprenne espoir en entendant la voix de sa cousine Hélène qui criait à son agresseur :

-Lâchez-la ! Je viens de faire des photos de vous ! Au secours !

Grâce à Hélène, d’autres personnes accouraient maintenant vers la falaise. Et dès que Fred comprit qu’il avait perdu la partie, il lâcha Virginie. Qui se réfugia en sanglotant dans les bras de sa cousine :

-Pourquoi étais-tu là ?

Hélène lui avoua qu’elle l’avait suivie par curiosité, parce qu’elle était surprise du comportement du prétendu Julien.

-Mais je ne comprends toujours pas pourquoi il a demandé à son copain de te tuer…

Virginie n’en savait rien non plus. C’est au commissariat que Fred, qui avait été rattrapé par des témoins de la scène, expliqua avoir été envoyé par Charlotte, la sœur de Virginie, dont il était l’amant.

En fait, en apprenant que Virginie faisait des projets de mariage avec un dénommé Julien, Charlotte avait craint de perdre le patrimoine que sa sœur s’était constitué dans sa profession d’antiquaire. Or elle en avait d’autant plus besoin, que son joueur de mari dilapidait tout l’argent qu’elle-même parvenait difficilement à gagner. Alors, loin de se douter que Julien n’existait pas, elle avait demandé à la soeur de Fred de téléphoner au château de la cousine Hélène en se faisant passer pour la femme de Julien. Ensuite, Fred devait attirer Virginie vers la falaise et la jeter à la mer, et le meurtre aurait été attribué à Julien ou à son épouse, tandis que Charlotte aurait naturellement hérité du magasin d’antiquités et de la fortune de sa soeur… C’était du moins ce qu’elle avait prévu, en ignorant que ni Julien ni sa femme n’existaient.

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