JALOUSIES SICILIENNES

Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 3464

de l’hebdomadaire NOUS DEUX (19 Novembre 2013)

 

En Sicile, après la seconde guerre mondiale, de nombreux domestiques ne possédaient aucuns droits. Certains d’entre eux ignoraient jusqu’au nom de leur père. Tout au plus savaient-ils qu’ils deviendraient gardes du corps, valets de chambre, jardiniers ou bergers, au service de la famille qui avait fait travailler leurs mères. Certains serviteurs n’avaient pour tout état-civil que le surnom ironique ou apitoyé qui leur avait été donné par les enfants de leur maître.

Moi-même, je n’ai pas connu mon père. A Roccanera, le village sicilien où j’ai grandi après la mort de ma mère, on m’a appelé Fausto di Castamare. Parce qu’il était convenu que je travaillerais plus tard au service de la puissante dynastie des Castamare.

Je ne me suis pas dérobé à mes devoirs. Jamais je n’ai envisagé de servir d’autres intérêts que ceux des Castamare, jamais je n’ai accepté les offres que me consentaient certains riches propriétaires pour m’inciter à aller surveiller leurs domaines ou gérer leurs plantations d’orangers ou de citronniers. Je ne me suis même pas marié, peut-être pour que ma vie demeure obstinément liée au destin des Castamare.

Dès que l’on m’a placé à leur service, je me suis senti fier de la confiance qu’ils me témoignaient, même si les Castamare constituaient la famille la plus riche, la plus ancienne et …la plus détestée de tout le village de Roccanera. La rumeur les accusait d’avoir fait fortune en servant la maffia. Giulia, la marchande de cédrat, insinuait même, à mi-voix, que le grand-père Castamare aurait été tueur à gages dans sa jeunesse, mais personne n’en savait davantage. Ou plutôt, ceux qui auraient pu donner des précisions sur la façon dont le grand-père Castamare s’était enrichi avaient péri de manière plus ou moins accidentelle, et les autres jugeaient plus prudent de se taire, à tout hasard…

C’est à la naissance de Corrado di Castamare, l’héritier du nom et de la fortune familiale, que mon attachement à cette dynastie est devenu passionnel. Ce garçon-là est né durant l’hiver où je suis devenu le majordome du domaine. Dès qu’il a commencé à marcher, il a pris l’habitude de me suivre partout, comme s’il sentait déjà qu’il pouvait placer en moi toute sa confiance. Et par la suite, c’est avec moi qu’il a appris à parler.

J’étais sa principale référence, car ses parents voyageaient fréquemment, son père pour faire des affaires, sa mère pour s’égarer de croisières en soirées mondaines.

Le soir, après avoir surveillé le traitement des orangers, je me faisais servir mon dîner à la table de Corrado et je répondais à ses questions. C’est moi qui lui ai appris à lire et, s’il est ensuite allé poursuivre sa scolarité dans un prestigieux pensionnat milanais, c’était parce que je lui avais déjà transmis toutes mes connaissances.

Je craignais qu’il ne se laisse tenter à travailler plus tard pour la maffia. Ce qui m’effrayait, car les chefs maffiosi ne deviennent jamais très vieux. Aussi lui conseillai-je de se diriger vers la profession d’avocat. Docilement, Corrado entreprit de longues études juridiques pour ne pas me décevoir. Et cinq ans plus tard, il ouvrait un cabinet d’avocat, à Roccanera.

C’est l’année suivante qu’il me désobéit, pour la toute première fois. En choisissant d’épouser la belle, trop belle, Antonella Farnèse.

Ce mariage me déplaisait, mais il fallut bien que je m’y résigne. Du moins espérais-je que Corrado aurait bientôt des enfants, que j’élèverais à leur tour. Bref, je rêvais d’une vie paisible passée à voir se succéder les générations de Castamare, lorsque Corrado prit une décision qui ne pouvait que m’angoisser…

Il voulut exercer son métier d’avocat en s’élevant contre les pouvoirs secrets de la maffia.

A vrai dire, je n’en étais qu’à demi surpris. Chez nous, en Sicile, il est fréquent de voir les hommes de la maffia obliger leurs enfants à faire des études pour leur permettre d’obtenir une profession prestigieuse, différente de la leur, et la plupart du temps, ces enfants ne trouvent rien de plus pressé à faire que de lutter contre la délinquance qui a fait la fortune de leurs pères.

Bref, Corrado devint un avocat aussi médiatique que menacé. Bientôt, il intervint même au cours de débats télévisés pour inciter les gens à parler, à déposer plainte chaque fois qu’ils étaient victimes d’un attentat commis par ce que l’on appelle pudiquement en Sicile « L’honorable société », parce que le seul nom de maffia suffirait à terrifier toute la population.

Lorsqu’il rentrait chez lui, Corrado se détendait en fumant un cigare et en me répétant fidèlement les félicitations qu’il avait reçues, de la part de gens qui déploraient qu’il n’y ait pas davantage d’hommes comme lui en Sicile. Je l’écoutais, en cachant ma peur derrière mon admiration.

Au fond de moi, je craignais qu’il ne puisse pas s’opposer longtemps à la maffia sans courir de risques. Et je me demandais déjà comment je pourrais le protéger.

D’ailleurs, mes inquiétudes se concrétisèrent rapidement. Dans la semaine qui suivit son troisième passage télévisé, nous reçûmes une première lettre de menace. Anonyme, évidemment.

En trois lignes, composées avec des mots découpés dans un vieux magazine et collés maladroitement, l’auteur de cette lettre menaçait Corrado de l’abattre s’il persistait à vouloir coaliser les Siciliens contre la maffia.

J’avoue avoir hésité à montrer cette lettre à mon maître. Mais il fallait bien qu’il en soit informé, pour qu’il puisse se protéger. Je lui ai donc tendu son courrier, un matin, avant qu’Antonella ne se lève.

Il l’a lu, sans montrer la moindre émotion, exactement comme je le redoutais. Et loin d’abandonner son combat contre la maffia, il m’a lancé un sourire de défi, avant de conclure :

-D’ordinaire, les maffiosi attaquent sans prévenir. Ils font sauter la maison ou la voiture de ceux qu’ils désirent réduire au silence, par l’intimidation ou par la mort. S’ils ont pris la peine de m’écrire, c’est parce que mon action les préoccupe, et qu’ils ne veulent pas me tuer, de peur de faire de moi un héros. Vois-tu, Fausto, cette lettre me confirme que j’ai raison d’intervenir !

Il me fallut longuement discuter pour décider mon maître à engager un garde du corps. Et je n’y suis parvenu qu’en lui démontrant qu’il nous faisait encourir de grands risques, à son épouse et à toute la maisonnée.

C’est seulement pour assurer la sécurité d’Antonella, que Corrado accepta de prendre à son service un agent de sécurité. Encore ne voulut-il pas perdre de temps à le recruter lui-même. Bien sûr, j’aurais accepté de remplir cette mission s’il me l’avait demandé, mais il préféra envoyer son épouse auprès d’une agence de gardes du corps pour en choisir un.

Antonella partit donc à Palerme, et revint le soir même, escortée d’un Autrichien nommé Friedrich Formgartner. Un ancien militaire aux traits durs, encore jeune et vigoureux, qui éveilla spontanément ma méfiance.

-Mais non protesta Corrado, ce garçon est de taille à veiller sur nous tous. Antonella l’a choisi pour ses origines étrangères. Ainsi sommes-nous sûrs qu’il n’est pas affilié à la maffia.

Je n’en étais pas aussi convaincu que mon maître. Bien sûr, je n’osai pas m’élever contre sa décision, mais je me promis de surveiller à la dérobée Friedrich Formgartner.

Désormais, j’astiquais les cuivres pendant qu’il prenait son petit déjeuner dans le salon, j’allais chercher des bouteilles de vin à la cave chaque fois qu’il partait s’isoler au sous-sol pour passer un coup de téléphone, et je taillais les lauriers-roses dès qu’il sortait s’aérer dans le jardin des Castamare.

Parfois il fallait pourtant bien que je batte en retraite, car Antonella le rejoignait, et je craignais qu’elle ne remarque ma surveillance, d’autant que je la savais assez intuitive. Et je sentais aussi qu’elle me craignait, comme si elle avait immédiatement deviné que j’étais trop attaché à son mari pour ne pas être un ennemi pour elle.

Elle et moi avions toujours échangé des propos courtois et souriants, conformément aux usages entre la maîtresse et le majordome d’un même domaine, mais j’étais certain qu’elle finirait bien par suggérer à Corrado de me congédier, sous prétexte que je devenais trop vieux, ou trop autoritaire.

Pourtant, jamais je ne tentai rien contre elle. Je voyais bien que Corrado l’aimait éperdument, et qu’elle arrivait à le rendre heureux sans faire trop d’efforts, aussi me réjouissais-je de l’harmonie de leur couple. Même si je gardais en tête que Corrado aurait mérité une épouse plus amoureuse qu’Antonella. Car celle-ci, sous ses allures félines, ne l’aimait pas vraiment.

Sans doute aurais-je pu essayer d’ouvrir les yeux de mon maître en lui montrant discrètement, de manière apparemment involontaire, que sa femme n’était pas digne de l’amour qu’il lui vouait. Elle en était même inconsciente. Corrado m’aurait peut-être chassé, s’il avait considéré que j’outrepassais mes limites de majordome pour m’immiscer dans sa vie de couple. Mais comme il savait que depuis sa naissance, je n’avais vécu que dans le souci de le servir de mon mieux, il aurait aussi bien pu me faire confiance et dans ce cas c’est Antonella qu’il aurait mise à la porte du domaine. Hélas, il aurait été le premier à en souffrir, et c’est là justement ce que je ne tenais à éviter…

Antonella, en revanche, avait bien senti la méfiance qu’elle m’inspirait. Elle s’en amusait, en allant parfois jusqu’à me provoquer, tant elle était certaine que je ne dénoncerais jamais ses comportements, de peur de faire souffrir son trop sentimental époux.

Son regard un peu ironique se posait sur moi, comme pour me mettre discrètement au défi de la chasser de la villa des Castamare….

Peut-être espérait-elle même que je réponde à ses provocations en commettant la faute qui aurait obligé Corrado à choisir entre elle et moi. Tant elle était certaine du pouvoir qu’elle avait su prendre sur lui…

Elle oubliait que je ne serais pas devenu le majordome des Castamare si je n’avais pas appris à me taire et à attendre mon heure…

Ce fut exactement que je fis. Sans jamais cesser de l’observer, à la dérobée.

Je pus ainsi m’apercevoir qu’elle entretenait avec Friedrich Formgartner une complicité aussi surprenante que dissimulée. A table, ces deux-là ne s’adressaient guère la parole, et Antonella ne daignait se tourner vers le garde du corps de Corrado que pour lui rappeler ses consignes de sécurité :

-Friedrich, ne perdez jamais de vue mon mari ! Vous savez que je ne tolérerai aucun accident, même si les conséquences n’en sont pas dramatiques !

Il lui répondait d’un ton humble et en baissant les yeux pour ne pas croiser son regard. Pourtant, au cours d’un après-midi où Corrado était remonté dans sa chambre faire la sieste, je surpris un rapide sourire amusé entre Antonella et Friedrich. Oh, certes, cette lueur complice ne dura qu’un instant, mais rien dans leurs relations apparentes ne la justifiait. J’en conclus donc qu’ils nous dissimulaient une partie de leurs liens. Déjà, je commençais à les soupçonner d’entretenir une liaison. Car en somme, ils étaient tout deux jeunes et beaux, ils vivaient de façon isolée dans cette demeure des Castamare gorgée de soleil et l’on aurait pu comprendre qu’ils aient cherché à rompre l’étouffante monotonie des étés siciliens en partageant une brève aventure.

Mais moi qui avais passé ma vie à surveiller ce qui se passait dans la villa des Castamare, je ne me souvenais pas avoir observé chez eux un changement d’attitude, qui aurait pu marquer le début de leur liaison.

Or, les amants se trahissent toujours, lorsqu’ils se découvrent amoureux.

La conclusion s’imposait à mes yeux de manière évidente : Antonella et Friedrich ne s’étaient jamais trahis, parce qu’ils avaient toujours veillé à dissimuler leurs sentiments. Ils avaient donc commencé à s’aimer bien avant de se rencontrer dans le domaine des Castamare.

Il ne me fallut qu’un bref moment de réflexion pour me souvenir que Friedrich avait été recruté après que mon maître avait reçu des lettres anonymes le menaçant de mort s’il persistait à s’attaquer à la maffia sicilienne…

Certes, j’avais pris peur à la lecture de ces courriers anonymes et c’est moi-même qui avais incité Corrado à recruter un garde du corps. Mais en somme, je commençais à soupçonner Antonella d’avoir écrit elle-même ces lettres de menaces, en choisissant ses mots tout exprès pour nous effrayer, son mari et moi, et nous contraindre ainsi à recruter un garde du corps… Je me souvenais aussi que c’était Antonella qui avait affirmé que Friedrich Formgartner était le plus vigoureux et le plus rassurant de tous les jeunes hommes qu’elle avait rencontrés pour tenir cet emploi… Maintenant, j’avais la certitude qu’elle nous avait manipulés, mon maître et moi, car si elle n’avait pas été l’auteur des lettres de menaces, elle se serait inquiétée des risques encourus par son amant.

Je suppose que mon devoir aurait été de dénoncer les deux amoureux adultères à mon maître, et c’est sûrement ce que j’aurais fait si j’avais su que Corrado était capable de les punir, en chassant Antonella et en se battant avec Friedrich Formgartner ou en le tuant de manière plus discrète. Mais mon maître était trop amoureux de son épouse pour avoir le courage de s’en séparer. Il n’aurait pu que souffrir d’apprendre son infidélité.

Aussi décidai-je d’agir seul.

Il était toujours possible, en Sicile à cette époque, de se procurer des explosifs. Par respect pour la loi du silence qui s’impose à nous tous, je ne dirai rien sur l’homme à qui j’achetai le matériel nécessaire pour fabriquer une bombe. Je préparai tout seul la vengeance de mon maître, en souriant de la manière dont les amants coupables allaient être pris à leur propre piège…

Pour se rapprocher à l’insu de Corrado, ils avaient fait croire que celui-ci était menacé par la maffia… Eh bien justement, lorsqu’ils périraient dans l’explosion que je leur préparais, les gendarmes croiraient qu’ils avaient été abattus par erreur, à la place de Corrado. Et personne ne songerait à me soupçonner, moi qui n’étais qu’un innocent majordome et qui n’avais aucun intérêt à leur mort.

Il me fallut plusieurs semaines pour mettre au point l’explosion qui allait venger l’honneur et les sentiments bafoués de mon maître, mais je n’étais plus pressé d’agir, maintenant que je savais qu’Antonella allait payer pour son crime, avec Friedrich. Il m’arrivait même d’avoir pitié d’elle, car je l’observais avec assez de détachement pour constater à quel point elle était amoureuse de ce superbe et vigoureux Autrichien. Lui, je ne le sentais pas vraiment épris. Je commençais même à me demander s’il ne se jouait pas d’elle, pour faire main basse sur une partie de la fortune des Castamare. Et j’eus la confirmation de mes soupçons lorsque mon maître me confia être désormais racketté par la maffia. Il avait reçu un courrier, évidemment toujours anonyme, qui lui ordonnait de verser plusieurs millions de lires s’il ne voulait pas que les hommes de « l’honorable société » ne s’en prennent à la vie de la belle Antonella.

-Mais le pire, conclut Corrado sans méfiance, c’est que ces hommes ont encore trop peur de moi. Ils exigent que cette somme soit déposée à la nuit tombée dans la crique de Santa Espina, par Antonella elle-même. Comment osent-ils exiger que je mêle ma femme à ces tractations dangereuses ?

Il me semblait évident que cette lettre, comme les précédentes, émanait d’Antonella elle-même. D’ailleurs, celle-ci ne manifesta aucune crainte pour se charger d’aller déposer la rançon de sa sécurité. Elle demanda seulement à ce que Friedrich Formgartner l’accompagne.

Je me demandais si elle n’allait pas en profiter pour disparaître au côté de son amant, en emportant au passage l’argent des Castamare. D’autant que le yacht familial était justement amarré dans la baie de Santa Espina.

Il m’était impossible de les retenir, mais je pouvais du moins venger l’honneur de mon maître. C’est dans cet esprit, que je déposai sur le yacht des Castamare la bombe que j’avais fini de fabriquer…

Je ne pouvais pas me douter de ce qui allait se produire. Je le jure aujourd’hui encore dans cette confession…

J’ai suivi Antonella et son amant jusqu’à la crique où ils ont déposé l’argent sur le yacht des Castamare. Friedrich Formgartner a ordonné à sa maîtresse de redescendre sur le quai, pour vérifier qu’ils n’avaient pas été suivis. Il en a profité pour mettre le moteur en marche, et partir…

Seul !

Avec l’argent du prétendu racket…

Antonella elle-même a paru aussi stupéfaite par sa fuite, que par l’explosion qui a eu lieu trois minutes plus tard. Et elle s’est écroulée en sanglots, avec une telle détresse que je me suis senti obligé de me rapprocher d’elle, le temps de la consoler.

-Oui, il est mort, ai-je été forcé de lui confirmer.

-Mais enfin, hurlait-elle, il n’a pas pu être abattu par la maffia. C’est impossible ! C’est…

Elle s’interrompit à peine trop tard, en réalisant qu’elle était en train de se trahir devant moi.

Heureusement, personne ne nous écoutait.

Aussi me permis-je d’esquisser un léger sourire, en acquiesçant :

-Oui. Il est en effet vraisemblable que la maffia n’est pas la véritable responsable de cet attentat, qui vient de coûter la vie à votre amant. Mais comment pouvez-vous le savoir ?

Elle balbutia quelques mots incompréhensibles, avant d’inventer une explication à ce ses propos :

-Eh bien, je crois que les hommes de l’Honorable Société font abattre ceux qui les importunent d’un coup de revolver ou de fusil, à courte distance pour éviter que d’innocentes victimes ne périssent à leurs côtés. Il est très rare qu’ils fassent déposer des bombes.

-Peut-être, acquiesçai-je. Mais cela arrive parfois. Et la situation d’avocat de votre mari méritait sans doute un traitement particulier. C’est du moins ce que j’expliquerai aux gendarmes, lorsqu’ils viendront nous interroger à Castamare. Et ce sera confirmé par les lettres de menaces que votre mari avait reçues, et à cause desquelles il avait engagé ce garde du corps, …un peu trop séduisant !

Antonella me fixait maintenant avec des yeux terrifiés par ce qu’elle entrevoyait :

-C’est vous qui avez placé cette bombe dans le bateau, murmura-t-elle d’une voix blanche. Vous avez tué Friedrich, parce que vous avez deviné que je l’aimais. Et bientôt, vous utiliserez le premier prétexte pour m’abattre à mon tour.

-Mais non, soupirai-je. Vous n’aurez plus à avoir peur de moi. Du moins, tant que vous rendrez heureux Corrado. La preuve en est que je ne lui ai rien dit de votre liaison avec ce prétendu garde du corps, que vous aimiez et qui ne cherchait à travers vous que l’argent des Castamare.

-C’est vrai. Quand je l’ai vu s’enfuir avec la rançon, j’aurais voulu le tuer… Et j’ai regretté d’avoir trahi mon mari.

-Personne n’en saura rien, la rassurai-je.

-Je crois que je commence à vous comprendre, acquiesça-t-elle.

En signe de paix, elle posa son bras sur le mien, et c’est ainsi, en ennemis apaisés, que nous rentrâmes dans la maison de Roccanera.

Où Antonella a continué de vivre auprès de son mari.

L’été dernier, quand leur fils aîné s’est marié, avec une riche héritière de Palerme que je lui ai présentée, le maire du village a souhaité aux jeunes amoureux de connaître un amour aussi puissant, aussi durable que celui qui unissait Corrado et Antonella. Et à ce passage du discours, personne n’a remarqué qu’Antonella me lançait un bref coup d’œil, désormais complice…

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