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LA VEUVE DU CONDAMNE

Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 2563

de l’hebdomadaire NOUS DEUX (13 Août 1996)

 

Refusant d’être impressionnée par l’allure solennelle des militaires en faction devant la Tour de Londres, la jeune Candice Selton s’approcha de l’un d’eux et affirma:

-Je dois parler au gouverneur de la Tour: Sir Reginald. Au nom de Sa Majesté.

Pour donner davantage de crédit à sa requête, elle montra la bague qu’elle portait à l’annulaire: une émeraude gravée aux armes des Stuart. Le bijou produisit immédiatement l’effet escompté. Les gardes cessèrent de sourire de l’audace de la jeune fille, l’un d’eux partit prévenir le gouverneur et, quelques minutes plus tard, le digne sir Reginald s’inclinait respectueusement devant la ravissante envoyée du roi.

La jeune fille lui débita le texte qu’elle avait minutieusement préparé à l’avance:

-Je suis Candice Selton, duchesse de Tregenham et pupille de Sa Majesté le roi Charles, deuxième du nom. Sa Majesté m’envoie vers vous pour délivrer un message à l’un de vos prisonniers. Il s’agit de sir Francis O’Kerradyn...

Sir Reginald eut un mouvement de surprise, car Francis O’Kerradyn devait être bientôt exécuté en place publique.

-Sa Majesté sait bien que les condamnés à mort ne peuvent recevoir que la visite des religieux...

Le gouverneur s’interrompit, glacé par le regard furieux que lui lançait la jeune Candice.

-Dois-je dire au roi que le gouverneur refuse de lui obéir ?

-Non, céda sir Reginald. Mais les condamnés à mort n’ont pas le droit de sortir de leur cachot, il vous faudra aller lui rendre visite dans sa cellule.

-Je m’y attendais, sourit la jeune fille, ravie d’avoir obtenu si facilement gain de cause.

Le gouverneur en personne la conduisit à travers d’interminables couloirs sombres, rongés de salpêtre. Il ouvrit la grille à l’aide d’une énorme clef, puis s’effaça pour laisser pénétrer devant lui la jeune fille, mais elle l’arrêta d’un geste:

-Pardonnez-moi. Sa Majesté exige qu’aucun témoin n’assiste à cet entretien. Je serai brève, promit-elle sans conviction.

Dans un coin du cachot, un homme demeurait assis par terre et Candice crut tout d’abord qu’il était blessé. Mais il la rassura en peu de mots:

-Pardonnez-moi de ne pas me lever pour vous saluer, belle inconnue. Le plafond est trop bas pour que je puisse me tenir debout. Or, les vrais Irlandais ne s’inclinent jamais.

La voix était agréable et distinguée. Candice pressentit que l’homme qui s’exprimait ainsi ne devait pas être ordinaire. Il lui inspirait confiance et elle résolut de lui dévoiler ses projets sans attendre.

-Même si je suis réellement la filleule du roi d’Angleterre, j’ai menti en prétendant être envoyée par lui. Au palais, on ignore ma visite ici. Mais j’avais besoin de vous...

-Faut-il que le roi traite bien mal ses filleules, pour qu’elles soient réduites à demander l’aide d’un condamné à mort, persifla le prisonnier. Avant de s’excuser:

-Pardonnez-moi. D’ordinaire, je me montre plus galant envers les dames.

Et, pour encourager Candice à se livrer sans crainte, il ajouta très doucement:

-Allons, une jeune fille aussi belle que vous peut se permettre toutes les audaces! Lorsque vous êtes entrée, votre chevelure a capté toute la lumière de ce triste cachot. Et moi, moi qui espérais encore un courrier m’apportant la grâce royale, loin d’être déçu, j’ai remercié le ciel de m’avoir permis de vous connaître avant de périr.

Il se tut. Candice osa alors confier, sans le regarder:

-Je venais vous demander de ...m’épouser!

Aussitôt, elle entreprit de se justifier. En quelques mots, elle lui résuma son enfance vécue entre des parents qui se haïssaient: le duc et la duchesse de Selton avaient été contraints de se marier sur ordre du souverain anglais, mais ils ne s’étaient jamais entendus.

-C’est seulement le jour où mon père a trouvé la mort dans un accident de chasse, que j’ai vu ma mère commencer à s’épanouir. Sous ses voiles de veuve, insensiblement, elle prenait goût à la vie. Pour la première fois de sa vie, elle n’était plus soumise aux caprices d’un mari, elle se sentait libre... Elle avait oublié qu’elle demeurait l’humble sujette du roi, et que celui-ci ne songeait qu’à multiplier les liens entre l’Ecosse, l’Irlande et l’Angleterre, pour assurer son image de souverain pacificateur. Dans ce but, Sa Majesté a ordonné à ma mère de se remarier avec un comte écossais, dix mois seulement après son veuvage. Ma mère a préféré se jeter dans la Tamise.

-Pauvre enfant, murmura le prisonnier, d’un ton particulièrement ému. Vous vous retrouvez seule au monde...

-Pire que seule, sanglota Candice. Car désormais, c’est moi que le roi veut marier avec le comte Brendough. Cet aristocrate écossais était déjà en route vers Londres pour épouser ma mère, le roi Charles ne veut pas qu’il ait connaissance de ce suicide, qui pourrait froisser sa susceptibilité. Candice cessa un instant de parler, pour que le prisonnier comprenne la gravité de ce qu’elle allait dire:

-Je hais le mariage. Je ne veux pas être la servante d’un homme et j’avais décidé hier de fuir comme ma mère. Mais c’est sur les berges de la Tamise, au moment de me jeter dans le fleuve, que j’ai vu se profiler la tour de Londres, et j’ai entrevu une autre issue. Si le roi apprend que je suis déjà mariée, il ne pourra que se résigner. Bien sûr, aucun sujet anglais, ni duc ni gueux n’oserait braver sa volonté en m’épousant, alors que Sa Majesté m’a promise à quelqu’un d’autre. Seul un condamné à mort pourrait le faire, sans encourir de peine supplémentaire. Aussi suis-je venue vers vous dès que j’ai appris l’imminence de votre exécution.

-Humm... Vous oubliez toutefois que lorsque le bourreau m’aura tranché la tête, vous serez veuve. Le roi pourra vous ordonner de vous remarier.

-Non, répondit calmement Candice. Aucun lord ne consentira à épouser la veuve d’un condamné. La honte qui entachera votre souvenir sera ma sauvegarde.

Francis O’Kerradyn observait sa visiteuse d’un oeil aussi admiratif qu’amusé. En dépit de son charme frais et juvénile, Candice Selton se révélait volontaire et prête à tout pour parvenir à ses fins. Elle aurait pu être Irlandaise, admit-il, ce qui chez lui constituait le compliment suprème. Il prit sa décision en un instant:

-Soit. J’accepte. La veille de mon exécution, un prêtre catholique viendra m’aider à mourir. Accompagnez-le. Nous serons mariés en quelques minutes et...

Francis O’Kerradyn dut s’interrompre. Tout à sa joie, Candice était tombée à ses genoux et l’embrassait avec une reconnaissance aussi spontanée que chaleureuse.

-Merci, oh merci, balbutiait-elle en pleurant de bonheur.

Et lui, honteux de son propre trouble, ne put se retenir de garder quelques instants contre lui ce corps jeune et enthousiaste, qui s’offrait presque.

-Candice, mon tout petit, reprenez-vous. Je n’agis que pour vous rendre service: parce que votre démarche m’émeut. J’aime les jeunes filles qui se rebellent contre le sort qu’on leur impose. Celles qui entendent se faire respecter, et qui d’ailleurs y parviennent presque toujours...

Candice l’écoutait avec bonheur. Il lui disait exactement ce qu’elle avait toujours rêvé d’entendre. Visiblement, cet homme-là aimait les femmes, au point de les traiter non en servantes mais en alliées. Et la jeune fille reconnut sans hésitation qu’auprès de lui, l’amour (et même le mariage!) devaient être une merveilleuse aventure. Mais les caprices du destin voulaient que précisément, elle épouse Francis O’Kerradyn, sans autre perspective qu’un veuvage...

-Comment pourrai-je jamais vous témoigner ma reconnaissance ? balbutia-t-elle. Cette fois, ce fut Francis qui lui tendit les mains et qui se laissa aller à l’embrasser.

-Me voici remercié à jamais, sourit-il. Et pourtant, je voudrais vous demander encore davantage. Candice, l’occasion peut un jour vous être offerte de parler de moi. Si vous ne m’avez pas oublié ce jour-là, je serais heureux que vous rappeliez que Francis O’Kerradyn n’était pas un assassin. Moi qui ne crains ni l’humidité des prisons, ni la hache du bourreau, je frémis en songeant à ma réputation entachée.

-Que vous reproche-t-on ? demanda Candice.

-Comme tous les guerriers de mon pays, je n’ai pas affiché toujours une conduite exemplaire, certes. Au hasard des combats, en mer ou sur la terre, j’ai défendu ma vie ...à tout prix! Mais je suis demeuré loyal, digne de mes ancêtres. Un soir, mes hommes et moi avions fait escale dans le port écossais de Glen Nevis. J’ai passé la nuit dans la « Taverne de la Septième Lune » et, au matin, lorsque l’on a trouvé le corps ensanglanté de l’un de ces damnés Ecossais, on m’a accusé de l’avoir poignardé dans le dos!

Il étouffait encore d’une colère impuissante en racontant ce drame, et tint à se justifier devant Candice:

-Comme tous les Irlandais, je n’aime guère les Ecossais, c’est vrai. Mais je vous jure que jamais je n’ai poignardé quiconque par traîtrise. Et si, d’aventure, vous pouvez rétablir ma mémoire en l’attestant, mon souvenir vous bénira.

La jeune fille fit exprès de lever la main derrière la tête pour jurer, à la façon des marins Irlandais:

-Je m’engage à tout tenter pour réhabiliter votre mémoire, Francis O’Kerradyn. Même si le destin ne nous laisse guère le temps de devenir des époux, je jure de demeurer votre veuve avec toute la dignité que vous êtes en droit d’attendre.

-J’ai confiance en vous, dit Francis, tout en serrant vigoureusement la main de sa « promise ». Mais très vite, il abandonna la solennité de son geste pour l’embrasser avec une passion infiniment moins courtoise...

-Partez, ordonna-t-il, un peu trop brusquement. Sinon, je serais bien capable de...

-Merci pour tout, murmura seulement Candice.

Tout en maîtrisant mal son émotion, elle toqua à la porte du cachot afin d’avertir le gouverneur de la tour de Londres qu’elle en avait fini avec le condamné.

La tradition imposait aux émissaires royaux de ne jamais remercier quiconque, puisque tout était dû au souverain. Candice s’en souvint à temps et sortit de la tour de Londres en s’efforçant de simuler un maximum de dignité.

Elle rentra directement vers le palais royal de White Hall, où elle logeait en qualité de filleule de Charles II.

-J’ai réussi, se répétait-elle sans y croire encore. Je ne serai pas réduite à devenir la servante de lord Brendough!

Pourtant, sous la satisfaction de la victoire, elle était surtout désemparée. Le souvenir de Francis O’Kerradyn la hantait. Cet homme avait su rester fastueux même dans la pénombre humide d’un cachot et, en dépit de la condamnation à mort qui le guettait, il demeurait encore généreux, empreint du panache hérité de sa dynastie de seigneurs irlandais.

D’ailleurs, la jeune fille était convaincue de son innocence. Un tel homme était capable d’abattre un adversaire par l’épée ou par le sabre, en l’affrontant sur le pont d’un navire, voire de boxer un tavernier dans son arrière-boutique, mais certainement pas de le poignarder par traîtrise.

Huit jours plus tard, Candice accompagnée d’un prêtre, retournait dans la cellule de Francis O’Kerradyn et jurait sur la Bible de le choisir pour époux, jusqu’à ce que la mort les sépare...

C’était un étrange office, célébré de manière précipitée, dans la pénombre du cachot. Les deux époux savaient qu’ils devraient se séparer après quelques minutes, sans espoir de se revoir. Cependant, leurs yeux brillaient d’une même flamme et d’un égal bonheur. Pour Candice, il s’agissait désormais moins d’une échappatoire que de porter le nom du seul homme qu’elle aurait voulu effectivement choisir comme époux. Après avoir prononcé les paroles rituelles, l’ecclésiastique détourna les yeux quelques instants, pour leur permettre d’échanger un trop bref baiser.

Bien sûr, il avait conscience d’agir contre les sacrements, en célébrant ce mariage secret, mais ces jeunes gens étaient si visiblement amoureux que le jeune prêtre se demanda si l’unique péché, ce jour-là, n’était pas commis par le destin.

-Retenez vos sanglots, rappela-t-il à Candice. Sir Reginald aurait le droit de s’en étonner.

A vrai dire, il semblait bien que plus rien n’importait à la jeune fille. Le regard vitreux, elle adressa un ultime adieu à son époux, et sortit. Dans deux jours, Francis O’Kerradyn poserait sa tête sur le billot.

La nouvelle lady O’Kerradyn ne perdit pas une minute pour aller annoncer à lord Brendough que tout projet matrimonial entre eux devait être annulé. A peine revenue à White Hall, avec son intrépidité coutumière, elle courut vers les appartements de ce fiancé détesté. Qui sourit de cet affolement:

-Allons, jeune pie, que vous arrive-t-il ? Avez-vous vu l’une de vos robes copiée par une courtisane ? Ou bien vos cheveux ont-ils été brûlés par ce jeune coiffeur dont le roi s’est entiché ? Il faudra que je vous apprenne à mieux vous tenir, lorsque vous serez mienne.

Candice écumait de rage. Devant lui, elle se sentait toujours si méprisée qu’elle en devenait ...méprisable! Aussi, oubliant tous les discours courtois qu’elle avait élaborés pour lui annoncer progressivement leur rupture, elle s’écria:

-Jamais je ne serai vôtre! Les filles de ma race n’appartiennent à personne, on ne les possède pas. Sauf si elles se donnent volontairement.

-Allons, allons, sourit lord Brendough, faussement paternel.

-D’ailleurs, je suis déjà mariée, lui asséna la jeune fille, heureuse de constater qu’il commençait enfin à s’émouvoir.

Soudain sérieux, le jeune lord menaça:

-Si c’était exact, le roi et moi ferions annuler cette union, avec le soutien de l’archevêque de Cantorbery.

-Humm, écuma Candice. L’homme que j’ai épousé est un paria, un condamné à mort. Il va publiquement être exécuté pour un crime de gueux. Son souvenir jetterait l’opprobre sur toute votre dynastie.

Stupéfaite, elle entendit alors le jeune lord lui répondre:

-Peu m’importent ces détails. Si cet époux fantôme périt, par la main du bourreau ou de quiconque, je pourrai du moins concrétiser nos fiançailles, puisque vous vous retrouverez veuve... Rien ne me fera renoncer à vous, Candice, sachez-le.

Il parlait avec davantage d’acharnement que d’amour, et la jeune fille osa le lui faire remarquer. Ce qui eut pour seule conséquence de faire ricaner lord Brendough.

-Qui croit encore en l’amour ? Vous oubliez que vous êtes la filleule du roi et qu’il ne manquera pas de vous doter superbement, comme il le fait chaque fois qu’il marie l’une de ses protégées. Sa Majesté aime le faste et espère laisser une image brillante de son règne, autant en profiter, ajouta-t-il avec cynisme. Mes ancêtres se sont ruinés à la guerre. En briguant votre dot, je ne fais que récupérer une part de la fortune que ma famille a dilapidé dans la lutte de l’Ecosse contre l’Angleterre! Aussi n’aurai-je pas mauvaise conscience en vous épousant...

-Je ne me laisserai jamais traiter en monnaie d’échange, affirma froidement Candice.

-Prenez garde, persiffla lord Brendough d’un ton menaçant. Sachez que les hommes tels que moi sont prêts à tout pour obtenir ce qu’ils souhaitent. Avant d’épouser ma mère, mon père a abattu le tuteur qui tentait de s’opposer à leur union. Moi-même, je ne crains pas de tuer. Cela m’est déjà arrivé, dans certains cabarets, lorsque la chance m’était hostile... J’ai même poignardé l’un de mes compagnons de voyage, écossais comme moi, à Glen Navis! Il avait gagné au whist durant notre traversée et exigeait que je lui verse vingt mille livres. A peine s’est-il retourné que je l’ai réduit au silence définitif...

Il crut que ses exploits fascinaient Candice, alors qu’elle était seulement frappée par la coïncidence qu’elle entrevoyait:

-C’était à l’auberge de la Septième Lune, n’est-ce pas ?

Il acquiesça, et s’étonna de la voir sursauter:

-A cause de vous, un innocent a été accusé. Parce qu’il était Irlandais, on en a déduit qu’il gardait rancune aux Ecossais. Il va payer votre crime de son sang, ou plutôt... Soyez certain que je vous dénoncerai, et que Francis O’Kerradyn ne tardera pas à être libéré.

-Quel enthousiasme, ironisa Lord Brendough. Heureusement, vous n’avez aucune preuve...

Candice regarda autour d’elle: ils étaient seuls. Personne ne pouvait lui porter secours.

Mais, dès qu’ils traversèrent ensemble la grande galerie royale de White Hall, où déambulaient quelques courtisans indifférents, Candice avertit son « fiancé »:

-Dans une heure, je demanderai audience au roi pour lui dévoiler votre crime. Même sans preuves, il sera facile de vous faire arrêter et reconduire à la taverne de la Septième Lune, où les serveuses se souviendront certainement de vous. Vous serez rapidement identifié et condamné, comme le malheureux qui croupit à votre place dans un cachot de la tour de Londres. Si vous vous enfuyez, la justice suivra tout de même son cours, grâce à votre portrait gravé sur ivoire, que vous m’avez offert le jour de nos fiançailles: il permettra aux gens de la « Septième Lune » de vous reconnaître de façon formelle. Agissez comme bon vous semble. Mon seul souci, à moi, consiste à faire libérer un innocent.

-Et à l’épouser ensuite ? grimaça haineusement lord Brendough.

-C’est déjà fait, répondit Candice, en souriant.

Elle savait qu’elle avait gagné la partie. Effectivement, trois jours plus tard, le roi Charles II eut à coeur de montrer qu’il savait se montrer aussi juste que pacificateur.

Destitué de ses privilèges, Lord Brendough était emmené à la Tour de Londres, en attendant que se profile sur son cou l’ombre de la hache. Tandis que Francis O’Kerradyn était officiellement reconduit par sir Reginald aux portes de la forteresse. Où l’attendait Candice, qui après avoir envisagé d’être sa veuve, rêvait de rester son épouse, voire sa maîtresse.

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