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FIN DE SERIE

Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 2828

de l’hebdomadaire NOUS DEUX (11 Septembre 2001)

 

Bien entendu, vous avez reconnu cet homme dès que vous l’avez vu ! C’est Philippe Secordel, le comédien, celui que tout le monde appelle le « Psy ». Depuis trois ans, il apparaît chaque mois dans une série télévisée dont il est le héros récurrent, le psychiatre que nous aimerions tous avoir pour ami et confident. Dans chaque épisode, il aborde un problème de société, sur lequel il donne son avis, tout en essayant d’encourager ces valeurs universelles que sont la tolérance, la générosité et la compréhension.

Au début, le producteur de la série a eu beaucoup de difficulté à imposer ce thème. Les directeurs de chaînes télévisées se montraient méfiants, ils craignaient que le public ne s’intéresse pas aux aventures d’un psychiatre. Il a fallu des mois de discussion avant que l’on diffuse le premier épisode, un soir de coupe du monde où l’on ne savait pas quoi faire pour attirer les rares spectateurs non captivés par le foot ball. Or, contre toute attente, ce « Psy » encore inconnu a attiré presque 15% des parts de marché. Cela a suffi pour que le directeur de la chaîne concernée téléphone immédiatement à la société de production, en commandant de nouveaux épisodes de cette série, qu’il jugeait soudain « tellement originale ».

Trois mois plus tard, Philippe Secordel, le comédien qui tenait le rôle du Psy, était célèbre. Au hasard des épisodes, vous l’avez vu aider un couple divorcé à résoudre ses anciens conflits. Grâce à lui, une mère célibataire a réussi à sortir son fils de l’univers de la drogue. Un adolescent a accepté l’idée que son père soit homosexuel. Etc…

Le Psy est partout. Il prévient les drames et apporte des solutions de paix et de tolérance à ceux qu’il croise sur sa route et qui ne sauraient pas comment réagir, sans lui.

L’impact de ce personnage sur les téléspectateurs est si puissant que Philippe Secordel s’est trouvé propulsé au rang de philosophe. On l’a même invité dans des débats pour qu’il dise ce qu’il pensait des étrangers sans papiers ou des camionneurs grévistes.

Lui, il sourit et répond prudemment à toutes les questions. Il est ravi. C’est normal. D’autant que lorsque cette série a commencé, il approchait de la quarantaine. Pendant vingt ans, il avait survécu en faisant de la publicité pour une lessive, et d’autres travaux plus ou moins avouables. Il était sur le point de renoncer à sa vocation d’artiste, lorsqu’on lui a confié ce personnage qu’aucun comédien connu ne voulait prendre le risque d’incarner. Dès la diffusion du troisième épisode du « Psy », Philippe savait que ce rôle était l’affaire de sa vie. Depuis, il perçoit pour chaque tournage un cachet mirobolant. Outre une prime lors de chaque rediffusion.

Bref, grâce au « Psy », Philippe s’est trouvé débarrassé de toutes ses angoisses, comme de ses soucis financiers. Il a enfin pu profiter de la vie. Et, en effet, durant trois ans, il s’est montré dans toutes les soirées parisiennes. Il a pris des vacances à Saint-Tropez, il a invité des top models sur son yacht, etc…

Consultez donc la presse : Philippe Secordel y est unanimement décrit comme un homme épanoui, acteur triomphant dans la force de sa quarantaine.

…Peut-être avez-vous encore quelques doutes sur ce prétendu bonheur ? Il est vrai que l’homme que vous voyez aujourd’hui, installé à la terrasse d’un célèbre café de Saint-Germain des Prés, a la mine plutôt sombre.

Ces temps-ci, Philippe Secordel est perturbé. C’est d’ailleurs pour tenter de s’étourdir qu’il est venu s’asseoir dans la plus snob des brasseries parisiennes. Il se sentait neurasthénique, et il s’est dit que seuls les sourires de ses téléspectateurs, ou les demandes d’autographes des plus jeunes, pourraient le rassurer.

Hélas, c’est l’inverse qui se produit. Même si quelques personnes se poussent du coude en le désignant, elles reprennent aussitôt leurs conversations, laissant Philippe boire son thé dans un calme qu’il trouve insultant.

Malgré lui, il replonge dans les angoisses qui l’étreignent depuis environ deux mois : il craint que les aventures du « Psy » ne captivent plus les téléspectateurs, toujours avides de découvrir de nouveaux héros. Or, si c’est bien le cas, il sait que le verdict des directeurs de chaînes sera aussi rapide qu’impitoyable. Ce sera la fin de la série. On ne diffusera même pas les épisodes qui sont en cours de tournage. Bien sûr, la chaîne lui versera une somme importante, à titre d’indemnisation, mais ce n’est pas ce qui consolera Philippe. Il ne veut pas d’aumône.

Les scénaristes, eux, peuvent facilement se reconvertir en lançant un nouveau héros. Et les acteurs de second ordre trouveront toujours d’autres rôles sur les chaînes concurrentes. Mais lui, Philippe Secordel, que fera-t-il ? Plus personne ne se risquera à lui confier un nouveau personnage, puisqu’il représente déjà le « Psy » pour tout le monde. Il ne serait plus crédible en homme d’affaires ou en mari trompé. On ne pourra même pas lui donner des rôles secondaires, car les autres acteurs craindraient qu’il ne leur fasse ombrage, avec son ancienne notoriété.

-Et puis, réfléchit Philippe, il y aura bien dans le métier quelques bons camarades pour murmurer que c’est sûrement de ma faute si la série a perdu son audience. Et ce type de rumeur se propage très vite…

Il remarque à cet instant qu’il s’est remis à cligner des yeux. Frénétiquement. C’est là un tic contre lequel il a lutté durant toute sa jeunesse, et qui revient de façon inconsciente à chaque fois que la situation est grave.

-Je suis fichu, résume-t-il amèrement.

Il repousse la théière et interpelle l’un des serveurs pour commander un whisky.

-Un double !

En même temps, il s’aperçoit qu’un adolescent lui sourit. Cela suffit pour le distraire de ses pensées lugubres. Le garçon doit avoir une quinzaine d’années, il observe le « Psy » avec l’envie évidente de venir l’aborder, pour lui demander un autographe ou lui raconter ses soucis personnels. Jusqu’à une période encore récente, beaucoup de jeunes se précipitaient vers le comédien lorsqu’ils le croisaient, pour lui demander des conseils. Chaque fois qu’il en avait le temps, Philippe les écoutait, il s’amusait même à retrouver son personnage de « Psy », le temps de les aider à voir clair en eux-mêmes.

L’adolescent se détourne et, aussitôt, Philippe retrouve ses angoisses, sa peur de l’abandon et de la solitude. Il est évident qu’il a besoin de son public. Il doit donc s’employer à faire vivre le « Psy », coûte que coûte…

Le serveur lui apporte son whisky. Philippe essaie d’analyser la baisse d’audience de la série. Il n’y a que deux explications possibles : soit c’est lui qui interprète mal son rôle, soit il souffre de la concurrence d’un autre héros de série.

Bien sûr, il élimine d’emblée la première hypothèse, pour approfondir la seconde. Très vite, il établit avec exaspération son diagnostic : celui qui distrait l’attention de son public, c’est le « Cambrioleur ». Le héros qu’une chaîne télévisée concurrente vient de lancer, pour tenter de se tailler un succès comparable à celui du « Psy ».

Le « Cambrioleur » opère différemment de Philippe, mais il obtient les mêmes résultats. Au cours de chaque épisode, il s’introduit dans une demeure somptueuse, pour en dérober les bijoux et les tableaux. Mais toujours son intervention permet de résoudre le grave conflit qui oppose les habitants de la maison pillée. Au bout d’une heure et demi d’antenne, le « Cambrioleur » repart en emportant son butin, ses victimes sont soulagées du drame qui les étreignait, et le téléspectateur peut en conclure que l’argent ne fait décidément pas le bonheur.

Philippe déteste cette série, qu’il juge mièvre et artificielle. Et il hait encore plus l’acteur qui interprète le « Cambrioleur ».

-Si toutefois on peut le considérer comme un acteur, ricane-t-il perfidement, en évoquant les traits de Sébastien Valmy. Un raté, qui a subsisté pendant vingt ans dans la profession en multipliant les bassesses et les rôles secondaires, et qui a dû faire pire encore pour décrocher le rôle titre du « Cambrioleur ».

Philippe connaît depuis longtemps Sébastien Valmy. Ils se sont croisés au Conservatoire, où ils se sont arraché les premiers prix. Ils ont voulu les mêmes rôles et ont désiré les mêmes actrices, au point que Valmy a épousé Clara, ...la comédienne avec qui Philippe vivait !

Bref, ils ont vécu en parallèle, jusqu’à ce que Philippe marque un avantage sur son rival en devenant le « Psy ». Mais voici que l’autre persiste à lui dérober sa célébrité, comme il lui a volé autrefois ses premiers prix du Conservatoire et la femme qu’il aimait.

-Décidément, sourit Philippe, le rôle du « Cambrioleur » semble avoir été écrit pour lui !

Exaspéré, il se lève et sort de ce bistrot surchauffé. Une fois dans la rue, il retrouve sa combativité. Et il se refuse à essuyer un nouvel échec, qui marquerait la fin de sa carrière télévisuelle.

Déjà, il se frotte les mains, peut-être pour maîtriser ce tic ridicule qui l’incite à cligner des yeux.

-Non, s’écrie-t-il. J’affronterai Valmy sur son propre terrain !

Visiblement, il a trouvé le moyen de riposter. Et il est sûr de gagner, vous le voyez à sa démarche.

Il rentre chez lui, dans ce magnifique appartement qu’il a réussi à s’offrir avec les premiers cachets du « Psy ». Il lance son manteau sur un fauteuil, il se précipite vers le débarras et, là, il ouvre frénétiquement plusieurs boîtes à chaussures, qu’il jette par terre tant il est pressé de trouver ce qu’il cherche…

-Ouf, soupire-t-il, en apercevant une serviette en cuir.

Il la prend délicatement et vérifie que tout son matériel s’y trouve encore. Il y a là un énorme trousseau contenant une centaine de clés, un pied-de-biche, quelques outils et deux revolvers.

Philippe Secordel soupèse doucement ces objets, vous sentez qu’il a envie de les caresser. Mais il se retient. Peut-être parce qu’il a toujours eu pour principe de se réfréner, face à cet aspect secret de sa personnalité. Vous, bien sûr, vous l’ignoriez, comme tout le monde, mais durant plusieurs années, à l’époque où il ne gagnait pas sa vie avec ses rôles, Philippe s’était improvisé cambrioleur. A l’aide du pied-de-biche et des fausses clés, il s’introduisait dans les villas isolées des producteurs de cinéma ou des réalisateurs, et il y dérobait les bijoux ou l’argent liquide. Il agissait sans trop de scrupules, il se disait même parfois que ces gens-là méprisaient son talent et ne lui confiaient pas les rôles qu’il méritait, de sorte qu’il avait un peu l’impression de réparer une injustice en leur dérobant ce qui lui permettrait de survivre.

Il n’a jamais été soupçonné. Mais sachez tout de même qu’il est redevenu honnête dès qu’il a pu gagner sa vie avec le « Psy ». Et jamais il ne serait allé chercher ces anciens outils, s’il n’y était pas contraint pour empêcher Sébastien Valmy de lui voler son succès et son public.

-C’est simple, se répète Philippe. Je n’ai qu’à m’informer de son calendrier de tournage. Un jour où il est en studio, je m’introduis chez lui, je mets l’appartement sens dessus dessous, pour orienter la police sur l’hypothèse du cambriolage. Je vole au passage trois ou quatre tableaux. Puis, je l’attends en bas de chez lui. S’il est seul, je le suis et je l’abats. Les enquêteurs en concluront qu’il a surpris ses cambrioleurs et que ceux-ci l’ont tué pour pouvoir s’enfuir…

Philippe Secordel sourit. Non pas qu’il soit de tempérament cruel, ni qu’il se réjouisse d’assassiner Valmy, mais il est soulagé d’avoir trouvé un procédé pour se débarrasser complètement de son concurrent. Grâce à son plan, non seulement le héros rival va périr, mais de surcroît il sera ridicule, puisqu’il sera censé avoir été abattu par de vulgaires voleurs, lui qui tenait le rôle d’un cambrioleur invincible et chaleureux. L’absurdité de la situation lui fera perdre toute crédibilité, à titre posthume, et aucun téléspectateur ne regrettera sa disparition.

Regardez bien Philippe Secordel : depuis quelques instants, il ne souffre plus de son tic nerveux. Au contraire, il allume un cigare et fume paisiblement.

Il sait qu’il va gagner la partie. Bien qu’il n’ait encore jamais commis de meurtre, il est certain de réussir un crime parfait. C’est logique : méticuleux et organisé comme il se connaît, il mettra toutes les chances de son côté. Comme au temps où il cambriolait les appartements les plus riches et les mieux protégés de Paris. Par exemple, il va téléphoner à l’épouse de Valmy, tout en contrefaisant sa voix pour qu’elle ne le reconnaisse pas, et il va lui donner un rendez-vous à l’autre bout de Paris, sous prétexte de lui proposer un rôle important dans une série télévisée. Philippe a vécu deux ans avec Clara, il se souvient qu’elle était farouchement ambitieuse. Elle est sûrement encore jalouse de la nouvelle notoriété de son mari et elle acceptera cet entretien, dans l’espoir de devenir célèbre à son tour… Ainsi, ne risque-t-elle pas d’être témoin du meurtre de Valmy !

Il abandonne son cigare et prend le téléphone :

-Allo, je souhaite parler à Clara Valmy. De la part de Chris  Dujon-Barriel, des productions Dujon-Barriel…

Le nom est magique : aussitôt indiqué, Philippe entend que l’on court vers le téléphone. Clara prend une intonation blasée, mais son ex-compagnon la connaît assez pour sentir qu’elle frémit, d’excitation ou de peur.

Comme prévu, elle commence par dire qu’elle doit vérifier sur son agenda quels sont les « rares » moments où elle est libre, puis elle s’écrie sur un ton victorieux :

-Vous avez de la chance : demain, vers 15 heures, je puis passer au siège de votre maison de production.

Philippe s’amuse à protester :

-Non. A 15 heures, je reçois Marina Grey, pour le rôle principal. Venez plutôt vers 19 heures.

Clara doit être doublement exaspérée, de passer après Marina et de se voir imposer un horaire. Mais elle ne prend pas le risque de refuser.

Philippe, lui, est ravi. Il fallait que Clara s’absente de chez elle demain, pour qu’il soit sûr d’être seul avec Valmy. De plus, en humiliant cette femme qu’il aimait et qui est partie avec son éternel rival, il a eu un peu l’impression de se venger.

Le lendemain, vers 18 heures, Philippe est embusqué près de l’immeuble où habite Sébastien Valmy. Il voit Clara s’en aller, il attend qu’elle démarre dans sa voiture décapotable, puis il sonne chez Valmy et, comme personne ne répond, il utilise le code pour entrer dans l’immeuble. Désormais, soyez très attentifs à ce qu’il fait, car tout se déroule très vite : sur le palier, il ne lui faut que trois minutes pour enfiler des gants et venir à bout de la serrure. Déjà, il pénètre dans l’appartement. Il le visite, histoire de maîtriser le plan des lieux, tout en gardant en tête qu’il n’est pas là pour réaliser un nouveau cambriolage. Avec un geste de regret, il repose une statuette médiévale qu’il avait commencé à soupeser, par habitude. Et il entreprend de semer le désordre, pour laisser une image d’apprenti-cambrioleur surpris par le propriétaire. Il ouvre des tiroirs dont il éparpille le contenu, il jette des objets par terre, etc… Puis, il s’assoit pour attendre le retour de Sébastien Valmy.

Lorsque ce dernier rentre chez lui, il n’a pas le temps de faire un geste de surprise ou de défense. Peut-être n’a-t-il même pas encore reconnu Philippe Secordel, quand celui-ci sort son revolver et tire sur lui. En plein cœur.

Valmy s’écroule. Philippe s’enfuit.

Trois jours plus tard, la presse ne parle que du meurtre de celui qu’on surnommait le « Cambrioleur ». La police n’a pas cru un instant qu’il avait été victime d’un gangster ordinaire, elle pense que ce crime a une origine passionnelle. On interroge sa première femme. On soupçonne aussi Clara, qui n’a aucun alibi au moment du meurtre, puisqu’elle prétend être allée à un rendez-vous donné par le célèbre producteur Chris Dujon-Barriel, alors que ce dernier jure ne jamais l’avoir contactée.

Philippe , fidèle à son personnage de « Psy » dévoué, a téléphoné à Clara pour la soutenir dans cette épreuve. Au passage, il l’a invitée à dîner. Et maintenant, les voici tous deux face à face, dans une brasserie réputée.

-Tu es toujours aussi séduisante, s’exclame-t-il.

En bon comédien, il a pris soin d’adopter une intonation consolatrice. Il n’a pas l’air de vouloir la reconquérir.

Elle, en revanche, elle lui répond sur un ton plus ambigü qu’elle a souvent regretté d’être partie. Elle lui explique qu’elle était fatiguée de leur manque d’argent perpétuel, et que c’est l’une des raisons pour lesquelles elle est tombée dans les bras de Valmy.

Philippe change habilement de sujet de conversation. Même s’il paraît ému. Au dessert, ils se séparent en se promettant de se revoir bientôt. Philippe court dans la rue, il a rendez-vous avec le producteur de la série du « Psy », qui a exigé de le voir en urgence. Il pense qu’on va lui proposer de tourner davantage d’épisodes à l’avenir, pour compenser la défection de Valmy. Si c’est le cas, il en profitera pour exiger un cachet plus élevé…

Il a toujours rêvé d’imposer ses volontés à un producteur. Et il est donc d’autant plus déçu de s’entendre dire :

-Mon cher Secordel, je préférais vous prévenir moi-même. Votre série va s’interrompre. Depuis six mois, son taux d’écoute diminuait, et la disparition de Valmy va précipiter sa chute. Le public adore les acteurs fauchés par le destin en pleine gloire. Surtout quand la police se perd en hypothèses sur l’identité du meurtrier comme sur son mobile, ce qui va monopoliser la presse à scandale pendant cinq ou six mois. Peut-être plus. La chaîne qui diffusait les aventures du « Cambrioleur » va en profiter pour repasser tous les anciens épisodes. Si nous poursuivions avec le « Psy », nous aurions l’air de vouloir les concurrencer, ce qui serait très mal perçu. En revanche, nous allons ressortir de nos archives un feuilleton que Valmy a tourné autrefois pour nous et qui n’avait eu aucun succès, mais qui va cartonner à présent. Vous me comprenez, n’est-ce pas ?

Sans transition, le producteur demande, en souriant :

-Vous qui connaissiez bien sa femme, pensez-vous qu’elle est coupable ? Il ne faudrait pas qu’elle soit arrêtée trop vite, pour que la mort de Valmy continue de captiver nos spectateurs.

Philippe ne répond pas.

Le soir même, il téléphone au commissariat du seizième arrondissement :

-Allo ? Vous pouvez venir m’arrêter. J’ai tué Sébastien Valmy. Par jalousie… Clara m’avait quitté pour lui.

Et il raccroche. Vous ne saurez jamais s’il s’est dénoncé par amour : pour que Clara sache qu’il l’aimait au point de commettre un meurtre, ou pour éviter à la jeune femme d’être soupçonnée. A moins qu’il n’ait agi ainsi pour empêcher Valmy d’entrer dans la légende, avec une mort mystérieuse, propre à faire rêver les téléspectateurs.

En tous cas, depuis le soir où il est passé aux aveux, les journaux parlent de lui, et la télévision s’apprête à rediffuser l’intégrale des aventures du « Psy ». Dans sa prison, Philippe Secordel sourit.

Il se répète qu’il a gagné la partie.

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