Un Noël de rêve... et de cauchemar !

UN NOËL DE REVE …ET DE CAUCHEMAR !

Nouvelle de Gérard MOREL parue dans le N° 3834

de l’hebdomadaire NOUS DEUX (22 décembre 2020)

Mes cousins et moi, nous l’appelions l’oncle Edgar, mais il n’était pas notre oncle. En réalité, il était devenu le compagnon de notre grand-mère, lorsque celle-ci s’était retrouvée veuve à 60 ans à peine.

Il avait huit ans de moins qu’elle, aussi la famille avait-elle préféré l’appeler “oncle Edgar”.

Nous, les enfants, nous l’aimions beaucoup parce qu’il participait à nos jeux avec un enthousiasme joyeux et complice. Parfois même il nous emmenait dans les bois ou à la fête foraine annuelle du village, sans que nos parents le sachent.

Mais mon père et mes oncles le supportaient difficilement. J’ai longtemps cru qu’ils lui reprochaient d’avoir pris la place de notre grand-père, et c’est seulement quand je suis devenu adulte que j’ai compris leur inquiétude. L’oncle Edgar était un homme élégant et raffiné, mais il n’avait jamais travaillé. Il s’était fait entretenir par ses parents en poursuivant de longues études, puis il avait épousé une avocate qui gagnait l’argent nécessaire au ménage. Et quand cette femme avait péri dans un accident de voiture, il était venu vivre avec ma grand-mère. Mes oncles le considéraient donc comme un gigolo et, sans oser le dire, ils craignaient que ma grand-mère ne lui transmette une partie du prestigieux vignoble qui constituait notre patrimoine familial.

Ils furent rassurés d’apprendre, au décès de notre grand-mère, que le vignoble revenait à ses enfants. Toutefois, ma grand-mère avait exigé dans son testament qu’Edgar puisse continuer à vivre chez elle aussi longtemps qu’il le voudrait. Et elle lui avait assuré des revenus confortables, parce qu’elle le savait incapable de gagner sa vie.

Mes oncles durent renoncer à récupérer la demeure familiale tant que vivrait Edgar, qui ne fut plus jamais invité à nos mariages ni nos enterrements.

Seuls, trois de mes cousins et moi, nous continuâmes de le fréquenter, en souvenir des jeux qu’il avait inventés pour nous quand nous étions gamins. Et Edgar semblait ému de nous accueillir, à chaque fois que nous prenions le temps d’aller le voir.

Il nous répétait qu’il n’avait pas de famille à lui, et qu’il nous considérait comme ses enfants. Mon père, qui le méprisait définitivement, craignait qu’il ne parle ainsi pour nous emprunter plus tard de l’argent. Mais il ne nous demanda jamais rien et, au dernier Noël, il nous prouva son affection en nous téléphonant pour nous inviter à passer cette fête avec lui.

-C’est impossible, protestai-je. J’ai toujours passé Noël avec mes parents, et comme mon père est mort l’an dernier, ma mère a plus que jamais besoin d’être entourée !

-Je te comprends, répondit l’oncle Edgar, mais cette année, je te promets une surprise exceptionnelle ! Pour toi et tes trois cousins, parce que vous êtes les seuls à ne m’avoir jamais abandonné ! Viens, tu ne le regretteras pas.

Il avait éveillé ma curiosité. Aussi entrepris-je de faire admettre à ma mère qu’elle pouvait, exceptionnellement, passer un réveillon de Noël avec seulement mes sœurs.

Mes cousins rencontrèrent les mêmes difficultés avec leurs parents, mais ils réussirent comme moi à se dégager.

Dès que nous arrivâmes chez l’oncle Edgar, dans l’après-midi du 24 décembre, nous comprîmes qu’il n’avait pas menti, et qu’un événement exceptionnel allait se produire. Car dans la cour de la maison familiale, où d’habitude on ne voyait que la vieille voiture d’Edgar, quatre Mercedes décapotables neuves étaient garées…

-Elles sont pour vous, nous annonça l’oncle Edgar en nous accueillant. Il y en a une pour chacun de vous.

Ma cousine Hélène fut la première à réagir :

-Mais nous ne pouvons pas accepter ! Ces voitures coûtent une fortune ! Tu t’es certainement endetté pour nous les offrir et…

Elle fut interrompue par un éclat de rire d’Edgar :

-Rassurez-vous, j’ai pu les acheter sans difficulté ! Et ce n’est que le premier des cadeaux que je vous réserve ! Puisque j’ai gagné au loto…

Notre stupeur paraissait l’amuser, mais il est vrai qu’aucun de nous ne trouvait rien à lui répondre.

Il nous fit signe d’entrer dans le salon, où plusieurs bouteilles de champagne nous attendaient. Tout en débouchant la première, il nous confirma qu’il venait de gagner douze millions d’euros !

-Quand j’étais jeune, une telle somme m’aurait permis de vivre en oubliant toutes les contraintes financières. Mais j’ai 72 ans et je n’arriverai jamais à tout dépenser ! Aussi ai-je décidé de vous aider à réaliser vos rêves !

Il nous fallut quelques instants pour évaluer la chance que nous offrait l’oncle Edgar.

Le premier à réagir fut mon cousin Philippe :

-Vous savez tous que je souhaite depuis longtemps débuter une carrière littéraire, s’écria-t-il. J’ai déjà écrit trois romans, mais aucun n’a été publié, parce que je n’ai pas de relations dans l’édition.

L’oncle Edgar lui lança un regard embarrassé :

-Qu’attends-tu de moi ?

Philippe semblait avoir déjà tout prévu :

-Il suffirait que tu me paies le prix d’impression de mon prochain livre, ainsi que quelques pages de publicité dans des magazines. Dès que mon roman commencera à se vendre, le bouche-à-oreille fera effet, et le succès du livre ira en s’amplifiant !

-C’est ridicule, protesta aussitôt notre cousine Sophie. Si tes romans étaient bons, ils auraient déjà été publiés ! Avec un tel caprice, tu vas gaspiller l’argent de notre oncle !

Bien sûr, Philippe fut vexé et se mit à accuser Sophie de ne rien comprendre à la littérature, elle qui avait passé sa vie dans l’arrière-salle d’un restaurant.

-Justement, s’écria-t-elle. Moi je travaille depuis plus de 20 ans dans les cuisines, je connais mon métier. Si l’oncle Edgar veut bien m’offrir un restaurant, même modeste, cela me permettra de ne plus être salariée et de gérer mon propre établissement, en y créant une ambiance qui fidéliserait les clients !

Ils se disputèrent un moment, jusqu’à ce qu’Hélène les interrompe pour indiquer à l’oncle Edgar qu’elle refusait la voiture achetée pour elle et qu’elle ne voulait rien, absolument rien !

-Voyons, insista notre oncle. Comme tes cousins, tu as sûrement des désirs à réaliser…

-Non, répéta Hélène, avec sa douceur habituelle, qui cachait une authentique fermeté. Grâce à mon salaire de professeur d’anglais, j’arrive à m’offrir tout ce qui m’est indispensable, et je néglige le reste. Tes cadeaux m’embarrasseraient. A vrai dire, mon seul regret dans l’existence est de n’avoir pas pu aimer un homme et en être aimée, suffisamment pour fonder une famille.

-Tu n’as que 32 ans, fit observer l’oncle Edgar. Tu peux encore rencontrer l’homme de ta vie.

-Bien sûr que non, soupira Hélène, avec une apparente dureté, que contredisaient les larmes qui humectaient ses yeux. Après ce que j’ai subi, je suis incapable de faire confiance à un homme !

J’allais lui demander à quoi elle faisait allusion, quand le cousin Philippe décida :

-N’insistons pas ! Si Hélène ne veut rien, sa part profitera aux autres !

-Ah non, protesta l’oncle Edgar. J’ai décidé d’exaucer vos rêves, mais il vous faut jouer le jeu. Dites-moi ce que vous voulez et je ferai mon possible pour vous l’offrir ! Sans calcul ni jalousie entre vous tous ! Je veux que vous vous sentiez débarrassés de toutes préoccupations financières.

C’était la première fois que je bénéficiais d’une telle générosité, et je le dis à Edgar, en l’embrassant avec reconnaissance.

-Que veux-tu, me demanda-t-il.

Je souhaitais devenir propriétaire d’une maison.

J’avais 36 ans mais, comme je n’avais toujours eu que des contrats de travail à durée déterminée, je n’avais jamais pu louer ni acheter une maison et j’habitais encore avec ma mère. Or, je désirais devenir indépendant.

-Je te comprends, sourit notre oncle. Et je te signerai un chèque qui te permettra d’acheter la demeure de ton choix, sans te soucier de son prix.

J’étais ému par cet accès de générosité de l’oncle Edgar, qui allait me permettre de changer radicalement d’existence. Du moins l’espérais-je…

-Je suis vraiment content de constater que ce gain inespéré va vous permettre d’être heureux, exultait notre oncle. Mais je souhaite encore qu’Hélène me dise ce que je puis lui offrir pour lui permettre de changer de vie, en oubliant le passé…

-Non, répéta ma cousine, de son air le plus obstiné.

Il était évident qu’elle ne changerait plus d’avis, mais j’étais trop soulagé à cet instant pour m’en préoccuper.

Ce réveillon de Noël fut l’un des plus heureux de ma vie. Bien sûr, Philippe évitait de regarder Sophie, à qui il ne pardonnait pas d’avoir dénigré ses romans, et Hélène paraissait indignée par nos désirs d’argent, mais nous nous sentions tous comblés par ce que la générosité de l’oncle Edgar nous laissait espérer.

Sophie essaya même ce soir-là de soutirer un peu plus d’argent à notre oncle en évoquant un de ses amis qui, depuis son divorce, était condamné à verser une pension exorbitante à sa femme, mais l’oncle Edgar l’interrompit fermement :

-Si je devais venir en aide à tous ceux qui ont besoin d’argent, je me retrouverais vite ruiné ! Donc, je limiterai ma générosité à vous quatre, parce que vous êtes les seuls à m’avoir soutenu après le décès de votre grand-mère.

Il avait décidément acquis une autorité nouvelle depuis qu’il avait gagné cette fortune.

A minuit, nous nous embrassâmes tous, et notre oncle nous conseilla d’aller nous coucher, car il se proposait de nous emmener le lendemain matin chercher des cèpes. Il avait toujours raffolé des champignons et possédait un don tout particulier pour les trouver…

Comme nous n’avions rien à lui refuser, nous avons dû tous nous lever à 7 heures du matin pour l’accompagner dans sa cueillette. Edgar donna à chacun de nous un panier à remplir, et il nous envoya tous dans des directions différentes, afin que nous écumions la forêt de Mautraverse.

A 11 heures, comme convenu, nous nous sommes tous retrouvés devant le portail de la maison familiale, mais l’oncle Edgar ne nous a pas rejoints…

Nous sommes donc partis à sa recherche. Sans rien dire, nous étions déjà inquiets, car Edgar avait toujours été un homme ponctuel. Nous n’avons même pas été surpris quand Hélène s’est mise à hurler en apercevant son corps, écroulé derrière un buisson.

-Il avait le cœur malade, rappela Sophie en pleurant. Sans doute a-t-il eu un infarctus.

-Non, balbutia Hélène. Il a la poitrine ensanglantée. Il a dû être victime d’un accident de chasse.

La vérité, que les gendarmes nous annoncèrent brutalement, était bien pire : l’oncle Edgar avait été abattu d’un coup de revolver.

A bout portant.

Son meurtrier se tenait à moins d’un mètre de lui quand il avait tiré, ce qui excluait l’hypothèse d’un accident fortuit.

-Edgar Estaunier a été assassiné, nous déclara le capitaine de gendarmerie, tout en commençant son enquête. Lui connaissiez-vous des ennemis ?

Je répondis spontanément qu’Edgar était trop gentil, et surtout trop superficiel, pour s’être attiré des inimitiés.

-Pourtant, remarqua perfidement le capitaine, vous n’étiez que quatre de votre famille à avoir passé le réveillon de Noël avec lui.

Philippe lui expliqua alors qu’Edgar avait gagné une somme colossale au loto, et qu’il nous avait invités pour nous faire un cadeau qui reflète son affection.

-Et pourquoi n’a-t-il pas invité toute votre famille, insista le capitaine.

Sophie eut un sourire amer pour expliquer que nous étions les seuls à avoir maintenu des liens avec Edgar après la mort de notre grand-mère :

-Les autres ne le détestaient pas, mais ils lui reprochaient d’avoir profité de l’argent de la famille. Notez bien que notre grand-mère n’a laissé à Edgar que l’usufruit de sa maison, de sorte que ses enfants n’ont pas été dépouillés à cause de lui.

-Certes…, parut réfléchir le capitaine, mais si Edgar Estaunier bénéficiait d’un usufruit sur la maison familiale, cela signifie qu’il pouvait y demeurer jusqu’à sa mort. Et que les héritiers de votre grand-mère ne pouvaient pas vendre cette maison… Il y a là un mobile suffisant pour désirer la mort d’Edgar, ou la provoquer !

Je fus le seul à protester, en expliquant au capitaine que ni mes oncles ni ma tante n’avaient besoin de vendre cette maison pour vivre confortablement :

-Grâce aux revenus que nous procure notre vignoble, nous sommes à l’abri de la misère, et surtout nous sommes assez sages pour nous contenter de ce que nous possédons !

Et pour prouver que ce que je disais était exact, j’expliquai au capitaine que, dix ans plus tôt, notre oncle Rémi, qui était le plus jeune frère de mon père, s’était aventuré dans un casino de la côte normande où il avait commencé par jouer l’argent de ses vacances, puis ses économies… Le lendemain, il avait téléphoné à mon père pour lui avouer en sanglotant qu’il avait tout perdu et qu’il allait devoir mettre en vente sa maison pour régler ses dettes !

Eh bien, mon père avait prévenu ses frères et sa sœur, et ils s’étaient tous cotisés pour rembourser la dette de Rémi, en lui faisant toutefois jurer de ne plus jamais pénétrer dans un casino !

-Peut-être avez-vous du mal à imaginer une famille unie, parce que c’est assez rare, mais sincèrement nous avons la chance de nous entendre tous bien. Aucun de nous n’aurait donc envisagé un seul instant de tuer le compagnon de notre grand-mère pour pouvoir récupérer la maison familiale, ou la mettre en vente !

-Je l’espère, dans votre intérêt à tous, sourit le capitaine. Néanmoins, Edgar Estaunier a été tué. Il va donc bien falloir que je trouve son meurtrier. Lui connaissiez-vous une liaison ? Ou plusieurs ?

Je haussai les épaules :

-A la mort de notre grand-mère, Edgar avait 66 ans.

-Beaucoup d’hommes ont encore des maîtresses à cet âge, ricana le capitaine.

-Sans doute, intervint alors Sophie. Mais même s’il avait eu une liaison, Edgar ne nous l’aurait pas dit. N’oubliez pas que nous étions les petits-enfants de sa compagne.

A cet instant, je me souvins que, depuis quelques mois, j’avais constaté que l’oncle Edgar ne répondait plus au téléphone les lundis et mercredis soirs. Je lui en avais fait la remarque et, en guise de réponse, il avait souri, en m’avouant qu’il vivait une nouvelle histoire d’amour mais qu’il ne pouvait m’en dire davantage, ce qui m’a laissé supposer que je connaissais sa maîtresse. Néanmoins, l’oncle Edgar avait résisté à toutes mes questions, même les plus insidieuses, et je n’avais pas pu identifier sa dernière amoureuse.

Trois jours plus tard, le corps d’Edgar fut ramené chez lui après avoir été autopsié. Ma mère et ma tante Alice estimèrent devoir aller le veiller, même si elles ne le fréquentaient plus depuis la mort de notre grand-mère, et elles nous demandèrent, à Hélène et à moi, de les accompagner dans la maison familiale.

-Surtout que nous n’y sommes plus allées depuis six ans, et Edgar a dû y faire des travaux, entre-temps.

En effet, il avait fait installer une salle de bains au premier étage, à côté de sa chambre. Mais lorsque nous y arrivâmes, les hésitations d’Hélène pour trouver la porte de cette salle de bains me firent comprendre qu’elle n’était pas entrée dans cette maison depuis longtemps. Et j’eus le réflexe de lui demander :

-As-tu réellement fréquenté Edgar, ces dernières années ?

Elle hésita, avant de m’avouer à mi-voix qu’elle ne l’avait plus vu depuis la mort de notre grand-mère. Et comme je m’étonnais qu’il ait tout de même insisté pour lui verser de l’argent, elle se résigna à m’expliquer :

-Cet homme s’est comporté de façon abjecte envers moi. Il vivait avec notre grand-mère parce qu’elle l’entretenait, mais il appréciait aussi les jeunes femmes. Et un soir, il a essayé de me violer ! J’ai tout de même réussi à me défendre et à lui faire peur en le menaçant de hurler, ce qui l’a calmé. Et je n’ai rien dit, pour ne pas perturber notre grand-mère. Mais je me suis débrouillée pour ne plus jamais être seule avec lui et, après le décès de notre grand-mère, je ne l’ai plus revu. Lorsqu’il m’a téléphoné pour m’inviter au réveillon de Noël, il m’a dit qu’il regrettait ce qu’il avait fait et qu’il tenait à réparer son geste. Je suis donc venue, parce que je m’attendais à ce qu’il me présente des excuses, mais il s’est contenté de me proposer de l’argent ! J’étais indignée, et c’est pourquoi j’ai refusé tout ce qu’il m’offrait !

-Je te comprends mieux maintenant, m’écriai-je. Je ne l’aurais pas cru capable de…

Et je m’interrompis, en me demandant si Hélène…

-Non, soupira-t-elle, comme si elle avait suivi le fil de mes pensées. Rassure-toi, si j’avais dû le tuer, j’aurais agi juste après son agression. Pas sept ans plus tard. Je te jure que je suis innocente.

Et je choisis de la croire.

Désormais, je jugeais sévèrement l’oncle Edgar. Et je fus d’autant plus surpris d’apprendre que le capitaine de gendarmerie tenait à interroger ma mère, parce qu’il avait découvert qu’elle lui avait menti. Elle qui prétendait avoir cessé de fréquenter Edgar depuis la mort de notre grand-mère, elle lui téléphonait fréquemment et elle se rendait chez lui deux fois par semaine : tous les lundis et mercredis soirs…

C’était donc ma mère qui était la maîtresse secrète d’Edgar, depuis la mort de mon père ! Avant que je n’arrive à m’habituer à cette idée, elle fut placée en garde à vue et longuement interrogée.

D’après ce que l’on me répéta plus tard, elle admit avoir noué une liaison avec Edgar, de façon secrète parce qu’elle était gênée d’aimer le compagnon de sa défunte belle-mère. Mais elle nia l’avoir tué, en rappelant qu’elle n’aurait eu aucun intérêt à sa mort.

Le capitaine persistait pourtant à la suspecter.

Et c’est lorsqu’il voulut la déférer devant un juge d’instruction, que notre oncle Rémi, qui ne supportait pas de voir une innocente accusée, avoua avoir tué Edgar.

-Oui, expliqua-t-il, j’ai toujours été joueur. La première fois que je suis entré dans un casino, j’y ai perdu tout mon argent. Ce sont mes frères et ma sœur qui ont réglé mes dettes, mais ils m’ont fait jurer de ne plus jamais jouer ! Or, je ne me sens vivre vraiment que lorsque je mets mon argent en jeu. Aussi ai-je continué à jouer au loto. Et j’envoyais Edgar valider mes tickets, sinon mes frères auraient appris que je jouais encore : ici, nous sommes dans un village où les gens vous observent et répètent tout. Bref, j’avais la complicité d’Edgar, jusqu’à ce que je gagne, la semaine dernière, le gros lot de douze millions d’euros ! J’ai téléphoné à Edgar, qui a prétendu ne pas pouvoir me parler parce qu’il n’était pas seul mais qui m’a donné rendez-vous le lendemain matin. Il m’a dit qu’il éloignerait ses invités en les envoyant chercher des champignons. Ce matin-là, Edgar a refusé de me rendre mon ticket, il m’a fait remarquer qu’il jouait pour moi chaque semaine et que je ne pouvais pas prouver que c’était moi qui avais choisi les numéros ni payé le pari ! Je lui ai rappelé notre amitié, la confiance que j’avais placée en lui, mais cet homme avait toujours été prêt à tout pour de l’argent, et ces douze millions d’euros constituaient pour lui une opportunité exceptionnelle. Alors, quand j’ai compris qu’il ne changerait pas d’avis, je l’ai tué ! J’avais apporté un revolver avec moi parce que son refus de me parler la veille m’avait rendu soupçonneux…

Rémi a été condamné à dix ans de réclusion criminelle.

Dans un testament rédigé trois ans plus tôt, Edgar léguait tout ce qu’il possédait à Hélène, en lui demandant pardon. C’est donc elle qui a hérité des douze millions d’euros, mais elle a tenu à partager cette fortune avec toute notre famille.

Désormais, elle paraît soulagée…

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